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† Gloom in Bloom III †
20 septembre 2009

She's got balls

Je n'ai pas posté durant ces deux derniers jours car j'étais avec ma classe de ciné, en stage au Fresnoy (NDLR : complexe à la renommée internationale situé à 30 minutes de chez moi (et à 50 mètres des studios Ankama, si ça parle plus à certains!)), occupée à manipuler leur matos de ouf' sur leurs plateau de tournage/salle de mixage/auditorium/etc. dignes de mes rêves cinématographiques les plus fous. (Non, cette précision n'est pas un mot d'excuse, j'avais juste envie de me la péter en disant que j'avais passé deux jours dans les locaux du Fresnoy. Ma minute de frime est écoulée, on va pouvoir entrer dans le vif du sujet.)

herm

:: Pix => ai-je besoin de le rappeler? ::

 

Il y a quelques jours, à table avec mes parents, pour une raison X ou Y (huhu, blague subtile, vous allez comprendre après, continuez à lire), on en était arrivés à parler de maladies génétiques, d'avortement et... d'amniocentèse. C'est ainsi, entre le fromage et le dessert, que ma mère en est venue à me dire d'un ton désinvolte : "D'ailleurs, je me souviens, il y avait un problème avec ton amniocentèse ; un chromosome X, ou Y, je ne sais plus, en plus... ou en moins, je ne me rappelle pas de ce que le médecin avait dit, mais apparemment il y avait un problème avec ton... génotype? Phénotype? Caryotype, voilà, merci. 'Fin bon ça ne devait pas être très important."   Ah bon. Oo

Passée la première surprise - eh oui, moi, un bête chromosome en plus/moins dans mon caryotype suffit à me déstabiliser, petite nature que je suis -, le premier mot qui m'est venu à l'esprit est "Hermaphrodite?".
Je ne le pensais pas sérieusement, et je me demande même pourquoi j'y ai pensé, tout court.
Avant tout, il est hautement probable que ma mère se soit trompée. Si j'avais un chromosome en plus, je serais trisomique, et des études très sérieuses menées par des scientifiques américains ont prouvé que je ne l'étais pas. Et si j'avais un chromosome en moins, même combat, on s'en serait probablement rendu compte plus tôt. De plus, sauf cas rares, les hermaphrodites ont une plastique plutôt androgyne - moi pas. Par ailleurs, l'hermaphrodisme n'a rien à voir avec les chromosomes, ce qui règle définitivement la question de mon appartenance au Troisième Sexe.

Mais ce genre de doute, même démenti au bout de trois secondes de réflexion et d'une demi-page de Wikipédia, ça soulève soudain beaucoup de questions. Par exemple, jusqu'à quel point le fait d'être une fille influe sur ma personnalité. Et de fait : "Et si j'avais été un mec?"

***

Déjà, j'aurais aimé m'appeler Victor plutôt qu'un nom à la con sorti des références culturelles diverses de ma mère. Connaissant ma mère, d'ailleurs, elle m'aurait probablement élevé comme ma grande soeur (en m'offrant des poupées, donc) durant ma petite enfance, avant de m'enseigner, vers mes six ans, qu'un homme est le pilier de la famille, qu'il doit travailler pour nourrir femme et enfant, assumer l'autorité et les décisions importantes, veiller au grain, et je ne sais quelles autres conneries. J'aurais probablement appris relativement jeune à faire la part des choses avec elle. Mais je pense qu'elle aurait été moins dure. Plus permissive. Moins jalouse, surtout. On n'en serait peut-être pas arrivés aussi loin dans la non-communication.

Mon père aurait été fier de moi. Il aurais peut-être passé un peu plus de temps à la maison. J'aurais probablement été plus sportif, au moins pendant mes dix premières années, pour lui ressembler autant que possible. Puis j'aurais commencé à le trouver lourd, je l'aurais accusé de vouloir me façonner à son image. Mais il serait resté cool avec moi.

Mes rapports avec ma sœur auraient, je pense, été plus ou moins les mêmes ; elle aurait été mon idole pendant toute mon enfance, l'incarnation de la classe et de la liberté. On aurait passé beaucoup de temps ensemble. Et j'aurais certainement été TRÈS jaloux de ses deux fils, après son départ de la maison.

Sachant que j'ai eu des amiEs pendant une grande partie de mon enfance, je ne sais pas qui seraient mes ami(e)s si je m'étais appelé Victor. Des mecs, je suppose. J'ai l'instinct qu'en primaire, le fait d'être un EIP m'aurait rendu encore plus impopulaire. :)  Au collège, j'aurais probablement regardé Happy Tree Friends et écouté Naheulbeuk dès la cinquième comme tous les garçons de ma classe. J'aurais pas eu de chances avec les filles parce que, intimement persuadé d'être un loser, j'aurais sans doute pas pris la peine de les aborder.

A ce propos, qu'en aurait-il été de mon orientation saiksuelle? C'est là que je me demande - question fondamentale - si je suis plus hétérosexuel(le) que "androsexuel(le)". Tout porte à croire que j'aurais été hétéro (que j'aurais aimé les filles, donc, suivez un peu). 'Fin j'en sais rien en fait, j'ai un doute sur ce point. Disons "probablement hétéro". Et mes chances de faire la connaissance de Gabriel étant fortement réduites, il serait devenu au pire un inconnu que j'aurais régulièrement croisé dans les couloirs puis que j'aurais oublié, au mieux mon meilleur pote. Dans cette dernière hypothèse, on serait probablement restés trèèès longtemps célibataires. Et j'aurais peut-être, secrètement, été un peu jaloux de lui. Au lit, une fois ma (mon?) partenaire trouvé(e), j'aurais plus que certainement joué le mecs hyper décontracté, j'ai-tout-vu-tout-connu-tout-baisé-et-je-fume-après-l'amour. Tout en étant complexé jusqu'à la moelle. J'aurais fantasmé sur les punkettes au crâne rasé et au visage mutin, sur les goths solitaires et mystérieuses, ce genre de clichés. Et j'aurais pas aimé les filles qui portent des jeans avec des talons.

Ah oui mais! En parlant de punk et de gothique - mes goûts musicaux auraient-ils été les mêmes? Sans Gabi, aurais-je découvert le metal, puis d'autres genres musicaux, par l'opération du Saint-Esprit? (On va supposer que oui, parce que si on repart dans les hypothèses, on n'est pas couchés.) J'aurais sans doute commencé par écouter du Green Day et du Offspring, au collège ; j'aurais pas craché sur Avril Lavigne non plus. Aux alentours de la troisième, j'aurais vécu un passage brutal vers le néometal avec Rammstein ; j'aurais, après des années d'hésitation, enfin commencé à me saper en noir. Je me serais laissé pousser la crinière pour pouvoir faire du headbang comme un stoner, un vrai, un qui sent la bière (que j'aurais commencé à boire en cachette, d'ailleurs). Un peu avant la seconde, mes cheveux auraient atteint mes épaules, et là - et ça, vraiment, j'en suis certaine - j'aurais trouvé en Kurt Cobain mon mentor. J'aurais bouffé du grunge à longueur de journée ; j'aurais déchiré mes jeans et arrêté de me laver les tifs. Et puis j'aurais peut-être écrit "I hate myself and I want to die" en tout petit en bas de mes feuilles de cours. Quinze à vingt centimètres de cheveux plus tard, je me serais réorientée vers le metal, cette fois death, voire black, puis heavy, avant de découvrir, pour mon plus grand bonheur, le hard rock et les futals en cuir.

Physiquement, en imaginant mon corps de fille moins mes attributs féminins (oui, mine de rien, ça fait beaucoup en moins), je n'aurais pas trop été à plaindre. Pas trop mal foutu, pas trop moche de visage, de beauuux cheveux bruns et une pointure de godasses tout ce qu'il y a de plus raisonnable ; j'aurais pu porter des Rangers sans complexes. Oh, et puis, j'aurais hautement profité du fait d'être un mec pour NE PAS m'épiler d'où que ce soit, et j'aurais témoigné toute ma compassion aux filles sur ce point. \o/ 

 

En définitive, cette petite réfléfiction (mais oui, réflexion+fiction, c'est une réfléfiction!) sur le "Victor que j'aurais pu être" m'aura surtout révélé des trucs sur la Victoria que je suis. Oui, je suis une fille, j'en ai toujours été une et c'est l'une des choses sur lesquelles je n'ai jamais eu de doutes. Et même si dans un futur proche, j'apprenais que j'étais hermaphrodite, "le mal est fait" : élevée en nana, je ne serai jamais un mec, et je ne serai jamais capable d'imaginer en être un. Vous me suivez?

Bref, tout ça pour dire qu'être hermaphrodite m'aurait enfin permis d'ouvrir ma gueule, de porter des rangeos et de n'avoir aucun instinct maternel, et ce sans que ma mère ne me dise que "j'ai un vrai problème avec ma féminité". Bref, d'assumer ce qu'il y a de "masculin" chez moi. (Notez les guillemets autour de "masculin" ; n'allez pas me taxer d'étroitesse d'esprit, vous avez bien compris où je voulais en venir.)

Et qu'être un mec présentait tout de même l'avantage non négligeable de pouvoir me branler et pisser debout (tu me diras, je sais le faire, mais avec beaucoup moins de facilité que ces messieurs). Pardon à mes lecteurs masculins pour le raccourci... :)

Et que malgré tout, être une fille me plaît. Pour beaucoup de raisons. Oui, mon genre fait partie de mon identité, au même titre que ma couleur de peau ou que ma nationalité : ils ont conditionné mon éducation, mes expériences, et de fil en aiguille, la personne que je suis. Et de fait, mon changement de sexe n'est pas prévu pour la semaine prochaine. Mais qu'importe : m'imaginer avec la mention "M" sur mon état civil, le temps d'un article de blog... ben c'était bien marrant!

Sur ce, bonne nuit. Je vais écouter mon chromosome en plus gigoter dans ma case en moins.

 

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Commentaires
M
Fuck. Want sum new posts!
P
Quelle justesse et quel humour, qui font beaucoup de bien au milieu de trois heures de droit constitutionnel.<br /> Keep going !
L
Nan mais crois-moi c'est mieux d'être une nana. Les mecs... :)
J
oui, "raison X ou Y " pour chromosome X ou Y mais tu as raison de faire allusion à la notion de genre,qui est plus fine que la notion de sexe
† Gloom in Bloom III †
  • "La mort, ce n'est rien. Commence donc par vivre. C'est moins drôle et c'est plus long." Gloom in Bloom, troisième volet : le fracassant retour de La Déterrée. Vous craignez le pire? Vous avez raison.
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